La justice et l’éloquence partie 1

Les lycéens ont carte blanche/

Des élèves de la spécialité Humanités-Littérature et Philosophie du Lycée Aristide Briand nous font part de leur réflexion.
Ils reviennent sur l’expérience vécue lors de la première édition du prix Aristide Briand, un concours d’éloquence pour lequel ils ont prononcé une plaidoirie défendant un criminel littéraire. Le jury était présidé par Cécile Capeau, Présidente du Tribunal de Saint-Nazaire. C’était le 17 décembre 2020, dans l’amphithéâtre du Lycée.

La question

Au regard de l’impératif de justice, les avocats doivent-il limiter leur utilisation de l’éloquence lorsqu’ils plaident ?
L’éloquence est l’art de captiver un public qui nous écoute. Elle s’appuie sur des procédés rhétoriques et oratoires, mais aussi sur une bonne argumentation.
La justice est un principe idéal auquel on aspire. Elle est aussi l’institution chargée de juger et sanctionner les délits et les crimes, en suivant le principe de justice. La justice s’exerce dans un tribunal, dans lequel on cherche à « rendre justice » au moyen d’un débat contradictoire entre les parties : le procureur requiert, l’avocat plaide, le juge écoute et rend son jugement. La parole est donc l’instrument sur lequel s’appuie le jugement pour être le plus juste possible.
L’éloquence joue bien entendu un grand rôle dans une plaidoirie : pour être entendu, l’avocat doit retenir l’attention et bien argumenter. Mais, si l’éloquence est une forme de séduction, ne risque-t-il pas de corrompre la décision des juges ? Quelles limites à ne pas dépasser ?

Défendre quelqu’un, est-ce nécessairement démontrer son innocence ?

Extrait de la plaidoirie de Tanguy Crevoisier, Eliam Lavaire-Vazquez, Samuel Cabelduc, Baptiste Resous, Eliott Lebreton

Personnage défendu : Oreste
« Nous et notre client plaiderons coupable pour le matricide de la reine Clytemnestre. […] Cependant, nous ne vous demanderons pas de l’acquitter, mais simplement de prendre en compte les circonstances atténuantes évoquées lors de cette plaidoirie. »

Le commentaire de Perrine Jousse et Inès Boudaoud-Doudard :
Défendre quelqu’un, ce n’est pas nécessairement démontrer son innocence. Comme le montre cet extrait, la culpabilité est parfois démontrée dans le dossier ou bien reconnue par le prévenu lui-même. Ici, Oreste plaide coupable.
Même un criminel a le droit d’être défendu. Plaider, c’est donc avant tout parvenir à ce qu’on considère le prévenu comme une personne humaine à qui il reste des droits fondamentaux, à commencer par le droit d’avoir un procès équitable. Ici, le plaideur rappelle qu’Oreste a tué sa propre mère après que celle-ci ait tué son époux Agamemnon, père d’Oreste. Cela ne l’innocente pas, cela resitue son geste dans l’engrenage de la violence.