Vision rock/
Mademoiselle K, c’est une artiste passionnée de 38 ans, qui avec une immense prestance et un humour rock’n roll nous emmène dans sa vision de la musique. Je l’ai rencontrée dans sa salle de concert du soir, le VIP, pendant les balances. En rentrant, elle lance en rigolant :« Attends je ferme la porte, parce qu’en fait, j’aime pas la musique ».
Pourquoi Mademoiselle K ?
Je m’appelle Katerine avec un K, c’est ce qui est marqué sur ma carte d’identité. J’aime bien Mademoiselle parce que ça sonne très français et je chante en français. À l’époque j’aimais bien parce que “mademoiselle” voulait dire que je ne me marierais jamais et que je n’appartiendrais à personne. Même si depuis j’ai évolué et je sais que le mariage ce n’est pas appartenir à l’autre, c’est un contrat entre deux personnes.
Qu’est ce qui t’as amenée à la musique ?
J’ai aimé ça, et puis j’ai continué parce que j’aimais ça, et j’aime toujours ça.
Quelle est ta définition du rock ?
Je pense que ce qui est indissociable, c’est la guitare électrique, avec l’ampli ce sont des moyens de s’amuser et de donner une putain d’énergie déployée sur scène. J’ai vraiment besoin de déployer beaucoup d’énergie. C’est une question de fatigue, d’aller au bout de soi, de suer. J’adore être crevée avec des courbatures en sortant des concerts, ça veut dire que j’ai tout donné.
Quelles sont tes sensations sur scène ?
La scène ce n’est pas une réalité, c’est une échappatoire à la fois très belle et très intense. Je ne prends pas de drogue, même si ses effets me fascinent, mais la scène c’est comme une drogue. Comme pour les sportifs, c’est une montée d’adrénaline. Quand tu fais une tournée en groupe, avec des gens qui ont la même passion, c’est un partage assez fort, un monde qui fait du bien. Quand la tournée s’arrête c’est comme quand la drogue ne fait plus effet, il y a une phase de descente. On a l’impression de servir à rien. Je suis obligée de voyager, partir pour passer ce temps de descente incompressible. Enfin, c’est toujours comme ça, quand on connaît un pic haut, on connait un pic bas, c’est presque mathématique.
Et puis il y a le bonheur des gens qui attendent les concerts comme quelque chose qui va leur faire du bien et qui partagent leur joie. La scène c’est comme gravir une montagne mais en intérieur et avec de l’électricité !
«Donc les filles qui veulent faire de la musique je leur dis : “faut pas avoir peur”»
Quels sont tes conseils pour les filles qui veulent se lancer dans la musique ?
J’ai commencé il y a dix ans. Et pendant trois albums lors des interviews il y avait toujours cette question qui revenait : ça fait quoi d’être une fille qui fait du rock ?
C’est vrai qu’il y a pas mal d’instrumentistes ou de solistes femmes, mais il y a très peu de chefs d’orchestre femme, comme dans tous les postes de direction. Il y a deux ans j’ai été
marraine d’une rock school, et il n’y avait qu’une seule fille qui chantait et était instrumentiste.
Quand j’ai commencé mes modèles étaient des hommes, comme Radiohead, mais ce n’était pas fait exprès. J’aimais aussi Nina Simone, une putain de chanteuse instrumentiste. Il y a peu d’exemples de femmes qui soient les deux. Nina Simone a voulu faire musicienne classique mais elle n’a pas été acceptée au conservatoire à cause de la ségrégation. Je l’ai vue à l’Olympia, elle m’a scotchée.
Bref si tu veux faire une chanson c’est indispensable de pratiquer un instrument, mais on ne fait rien seule, parce que je parle de moi mais il y a le groupe. Mais les chansons, c’est les miennes.
Quand j’ai vu le film Amy, sur Amy Winehouse, j’ai été scotchée de re-réaliser qu’elle était auteure et compositrice. Elle avait un arrangeur qui transformait ces morceaux jazz avec la couleur qu’on leur connaît, mais elle a quand même écrit tous ces morceaux de ouf.
Donc les filles qui veulent faire de la musique je leur dis : “faut pas avoir peur”. Déjà tu commences à démonter ta peur en te demandant de quoi tu as peur. On pense qu’on va pas y arriver et qu’on fera moins bien qu’un autre, inconsciemment souvent moins bien qu’un garçon. Il faut se lancer, ne pas se démonter et bosser pour faire ce qui te fait plaisir. Parfois en n’arrivant pas à faire quelque chose tu dérives sur une compo plus personnelle. T’as trois accords, mais ils sont beaux et touchants.
Les questions SINON
Et sinon, quel est ton tic ?
Une fois, j’ai baissé le potard (le potentiomètre NDLR) en plein concert, depuis je vérifie toute les 10 secondes s’il est bien à fond.
Et sinon, quel est ton bar préféré?
Le Bastringue à Paris, dans le XIXe, il est pas loin de chez moi. C’est cool, sympa, pas cher et on y mange très bien.
Et sinon, quelle est ta phrase fétiche?
“Sous les brûlures l’incandescence intacte” (le titre de son dernier album), et cette phrase de Paul éluard: « Nous sommes corps à corps, nous sommes terre à terre, nous naissons de partout, nous sommes sans limite ». J’aime vachement cette phrase qui fait circuler.
Et sinon, à 20 ans tu voulais ?
Alors attends, j’étais en deuxième année de musicologie à la Sorbonne, je voulais faire des concerts, c’est devenu une nécessité après avoir fait une reprise de Radiohead. J’avais déjà écrit des poèmes, mais c’est comme si cette reprise avait rendu les choses possibles.
Et sinon, ta plus grosse connerie ?
Quand j’avais huit ans en Bretagne avec ma mère, je faisais de la guitare classique et j’avais une 3/4. Et j’ai vu les Forbans à la télé, tu sais ce groupe de rockabilly. Le mec montait sur sa contrebasse. Dans ma chambre, j’ai voulu refaire le show, et je suis montée sur ma guitare. Forcément mes pieds sont passés à travers. Elle est toujours dans les toilettes de mon oncle, accrochée