Laurianne Deniaud, Audrey Dufeu Shubert, interviews croisées/
Réduire le féminisme à une simple définition serait impossible, ce terme si divers, évoquant le combat de nombreuses femmes dans l’Histoire, et nous rappelant que rien n’est complètement acquis. C’est pourquoi j’ai rencontré Laurianne Deniaud, première adjointe au Maire de Saint-Nazaire, et Audrey Dufeu Shubert, députée de la huitième circonscription de la Loire-Atlantique, pour confronter leurs deux visions de femmes en politique.
On dit souvent qu’une femme est automatiquement féministe, et vous ?
Laurianne Deniaud : Je me considère comme féministe mais je ne pense pas que toutes les femmes le soient. Il s’agit d’un héritage que m’ont transmis les femmes de ma famille. C’est un combat difficile mais tout aussi important qu’il l’était pour nos mamans, nos grand-mères.
Audrey Dufeu Shubert : Nous avons chacun une définition différente du féminisme, si c’est défendre le droit des femmes et qu’il soit respecté, alors oui je suis féministe, et je le suis devenue au fur et à mesure des années. En devenant maman, j’ai ressenti le besoin de m’investir dans cette cause.
La base de l’égalité entre les femmes et les hommes se trouve t’elle dans l’éducation?
L.D. : Oui, la question éducative est centrale dans la question de l’égalité hommes-femmes, mais nous ne pouvons pas réduire le combat à cette question là. Elle est essentielle parce que les inégalités entre les femmes et les hommes sont culturelles, ancrées dans la société française. C’est quelque chose que l’on apprend sans réellement s’en rendre compte, la répartition genrée montre l’importance de l’éducation.
A.D.S : Oui je pense que c’est comment on conditionne les enfants sur cette égalité qui va faire évoluer les mentalités. Il y a encore beaucoup de travail à faire dessus et il faudra encore beaucoup de temps.
Une femme a t-elle plus d’efforts à effectuer qu’un homme pour entrer dans le monde politique?
L.D. : Oui, car, la politique est faites de codes durs, masculins, de rapports de forces qui sont plus appris aux petit garçons qu’aux petites filles. Et les femmes y sont installées depuis récemment.
A.D.S : En politique moi je n’ai jamais eu l’impression de faire des efforts pour y entrer, mais pour prendre la parole oui il y a un problème pour exister et pour se faire entendre. En même temps l’effort doit venir des femmes, c’est à nous de nous sentir légitimes, d’oser prendre la parole et de se faire entendre. Le changement ne peut venir que de nous, même s’il y a un certain nombre d’hommes qui nous aident.
Laurianne Deniaud - Audrey Dufeu Shubert
Le monde politique est-il sexiste? Une femme est-elle moins prise au sérieux pendant un discours qu’un homme?
L.D. : Oui, mais la société est sexiste, le monde politique est le reflet d’un fonctionnement de la société, et je ne sais pas s’il l’est plus qu’un autre milieu.
Une femme est encore moins écoutée qu’un homme lorsqu’elle prend la parole en public, ses idées seront moins comprises. C’est important pour une femme politique de décrypter ces informations et de ne pas se dire « si je ne suis pas écoutée c’est de ma faute».
A.D.S. : Oui mais il faut persévérer et ne pas chercher à faire pareil pour se faire entendre, mais c’est une réalité. Par exemple, on laisse une place pour les femmes en politique mais les rôles un peu plus clés sont davantage donnés aux hommes qu’aux femmes.
Dans votre parcours politique avez-vous eu quelques difficultés en tant que femme? Des conseils aux femmes qui envisagent cet engagement?
L.D. : Des difficultés d’abord avec moi-même. J’ai déjà eu des difficultés à prendre la parole dans une salle de réunion remplie d’hommes. Il y a aussi des regards désobligeants qui nous ramènent à notre condition de femme et non de politique.
Je dirais aux jeunes femmes qui veulent se lancer de foncer, vous avez votre place, des choses à apporter et je leurs dirais d’être solidaires entre elles.
A.D.S. : Pas dans le milieu professionnel parce que j’ai exercé dans un milieu de femmes, c’était la santé. C’est encore récent pour moi [le monde politique], oui pour accéder à des postes clé mais j’ai encore plusieurs années pour avancer il faut persévérer.
Il faut pousser la porte, croire en ses convictions.
Comment peut-on faire de l’égalité professionnelle une réalité ?
L.D. : Il y a la question éducative, de l’orientation, la question salariale. Il faudrait que quand une inégalité de salaire est constatée l’entreprise ait l’obligation, que ça lui soit imposé. Il y a également la question des enfants, qui est un facteur de non évolution professionnelle pour les femmes.
A.D.S. : Il faut travailler sur les mentalités, la loi, c’est-à-dire obliger les entreprises à respecter cette égalité, stigmatiser celles qui ne la respectent pas pour inciter les pratiques à évoluer.
L’écriture inclusive?
L.D. : J’y suis favorable, parce que la manière dont on écrit les choses joue forcément sur la représentation qu’on a du monde.
A.D.S. : Je trouve que c’est important. Le symbole fait parfois force de changement et le symbole de l’écriture aussi.
Y a t’il un féminisme de gauche et un féminisme de droite?
L.D. : Je serai tentée de dire oui mais j’ai envie de dire non. Je crois qu’on a besoin de tout le monde pour faire avancer cette question, des hommes et des femmes, de la gauche et de la droite. Cependant, la majorité des grandes avancées ont été portées par la gauche au pouvoir, mais je n’oublie pas Simone Veil.
A.D.S. : Non je ne pense pas parce que pour l’avoir vécu à l’Assemblée, je trouve que c’est assez transpartisan et justement il y a une belle solidarité au-delà des partis entre les femmes. Pour moi, aujourd’hui être de droite ou être de gauche ne veut rien dire.